Le gouvernement se refuse à nationaliser les pertes subies par les collectivités, au risque de faire fondre leur capacité d’autofinancement

Tribune de André Laignel, vice-président de l’Association des Maires de France

Depuis le début de l’épidémie, les maires n’ont pas manqué de détermination pour faire face et gérer au mieux la crise majeure que nous traversons. A l’issue du premier confinement, le gouvernement avait ainsi fait naître de légitimes espoirs en annonçant « un planmassif et extrêmement ambitieux» pour compenser les pertes liées à l’épidémie. Malheureusement, une fois de plus, la réalité est bien éloignée des promesses.

Premier problème : dès son annonce, ce plan ne devait toucher qu’ « entre 12 000 et 14 000 communes et intercommunalités ». Pire, le plan n’était doté que de 750 millions d’euros alors que le montant du coût total supporté par les collectivités (dépenses supplémentaires + pertes de recettes, notamment tarifaires) était évalué à au moins 8 milliards d’euros en mai dernier. Avec le nouveau confinement, ce chiffre sera nécessairement appelé à être revu à la hausse.

Second problème : dans le dispositif de compensation prévu par l’Etat, le montant des pertes fiscales et patrimoniales étaient calculées par comparaison à la moyenne lissée des années 2017, 2018 et 2019, et non par rapport à l’année 2019 !

Troisième problème : le décret d’application du dispositif de compensation, présenté au comité des finances locales le 29 octobre, rétrécit encore l’étendue du prétendu « filet de sécurité ». Il ne s’agit plus désormais que 2 300 à 2 500 communes qui pourront bénéficier de la compensation ! Quant au plafond de 750 millions d’euros d’aides, déjà très insuffisant, on en est loin : le texte évoque « 120 millions d’euros » pour les communes et « environ 110 millions d’euros » pour les EPCI. A ce niveau, ce n’est plus une compensation, c’est l’aumône.

Ce refus de compenser les pertes subies aura une conséquence directe sur les moyens que pourront mettre en œuvre les collectivités pour participer à la relance. En effet, le poids de ces pertes entame gravement la capacité d’autofinancement des collectivités et donc la possibilité de porter des investissements, pourtant indispensables pour alimenter l’économie locale.

Ces mauvaises nouvelles sur la « compensation » se sont accompagnés de propos déplacés, le gouvernement parlant de certaines communes qui se seraient « enrichies » durant la crise, arguant de la fermeture de certains services publics qui aurait entrainé des économies. Cela relève de la fantasmagorie, car lorsqu’une commune doit fermer une cantine ou une piscine, elle continue de payer les salaires des agents qui y travaillent.

La faiblesse de ce dispositif de compensation et son impact sur les finances locales sont à mettre en perspective avec l’ensemble des mesures portées par ce gouvernement tendant à une lente mais certaine mise sous tutelle des collectivités locales. Il s’agit bien évidemment de la suppression de tout levier fiscal des collectivités puisqu’après la disparition de la taxe d’habitation, ce sont désormais les impôts économiques qui sont visés. Défendue au détriment de toute réalité économique, imposée sous couvert de plan de relance alors que le projet existait bien avant, la disparition des impôts économiques anéantit quasiment toute l’autonomie fiscale des collectivités, pourtant si utile à la relance. Enfin, tout l’arsenal du gouvernement pour soutenir l’investissement des collectivités consiste en des dotations à la main des préfets. C’est donc en dernier lieu l’Etat qui décidera de l’affectation des fonds qui ont vocation à porter des projets locaux. 

DÉCRYPTAGE : Le budget de la Sécurité sociale pour 2021

En apparence, le budget de la Sécurité sociale, prévu pour 2021, n’a jamais été aussi élevé. C’est vrai. Mais ceci est dû aux mesures conjoncturelles pour faire face à la crise sanitaire : achat de de tests, d’équipements, etc.

Pour ce qui concerne la partie « permanente » de ce budget, de nouvelles économies, dites « structurelles » sont demandées par le gouvernement :

Ce budget demande aux hôpitaux de faire des économies à hauteur de 805 millions d’euros alors que les hôpitaux sont déjà débordés, victimes d’un manque criant de moyens matériels, humains et financiers. Si des efforts salariaux sont faits suite au Ségur de la Santé, les oubliés du Ségur (aides à domicile, professionnels du secteur médico-social) sont encore les oubliés de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faut des mesures sur le long terme, une réponse à la crise structurelle de l’hôpital, des EHPAD et de l’ensemble de notre système de santé ;

Ce budget propose la mise en place d’un forfait de 18 euros pour un passage aux urgences qui n’est pas suivi d’une hospitalisation dans un service de médecine, de chirurgie, d’obstétrique ou d’odontologie. Cette participation forfaitaire pénalisera certains patients qui n’ont parfois pas d’autre choix que de consulter les urgences. On peut comprendre et soutenir le nécessaire processus de sortie de la tarification à l’activité (T2A), mais celui-ci ne doit pas conduire à davantage de libéralisme dans les services publics ;

Ce texte ne prévoit toujours rien pour mieux réguler l’installation des médecins et leur répartition sur le territoire. L’installation des médecins libéraux doit être soumise à conditions dans les zones où l’offre de soins est déjà à un niveau particulièrement élevé afin d’encourager l’installation des médecins dans ce qu’on appelle les « déserts médicaux ».